Plus d’une quinzaine de médias et éditeurs vont partager leurs données pour pouvoir rivaliser avec Google et Facebook.L’alliance est ouverte à d’autres éditeurs.

Près d’une quinzaine de médias et d’éditeurs français ont décidé de partager leur data, c’est-à-dire les données qu’ils collectent sur les lecteurs et consommateurs visitant leurs sites Internet, afin de pouvoir rivaliser avec Facebook et Google, lesquels sont en train de devenir un duopole dans la publicité en ligne.

Outre Les Echos, Lagardère, SoLocal et SFR ( voir Les Echos du 23 juin ), ont ainsi également rejoint l’alliance baptisée Gravity plusieurs journaux de presse régionale _La Dépêche, Le Télégramme, Sud-Ouest…_, la FNAC Darty avec sa plate-forme de e-commerce, ainsi que les éditeurs de presse Prisma Media (« Femme Actuelle »…), « L’Equipe », Condé Nast (« Vogue », « Vanity Fair »…), Marie Claire et même NextRadioTV et la chaîne M6 pour ses sites comme « Radins.com » (pas pour son portail de télévision de rattrapage sur lequel les visiteurs doivent s’inscrire).

Alors que grandit le marché de la publicité numérique dite « programmatique », c’est-à-dire sur laquelle la demande et l’offre d’espace sont rapprochées de façon automatisée, tous les éditeurs du monde voient la publicité partir chez les Gafas au même moment où elle chute sur leurs supports traditionnels. Ils constituent donc des alliances de type Gravity. Mais selon Rolf Heinz, le patron de Prisma Media, l’initiative française est sans équivalent ailleurs de par sa taille.

Aujourd’hui, les éditeurs, opérateur de télécommunication et médias du projet touchent 44 % des Français tous les jours. Comme ils seront rejoints par d’autres, ont assuré mardi matin les dirigeants des membres de Gravity, la plate-forme touchera 50 % des Français à partir de l’automne. Un chiffre à comparer à ce qu’on appelle un « reach » dans le jargon de 60 % pour Google et de 70 % pour Facebook.

Le groupe Le Figaro, qui a racheté CCM Benchmark et touche donc seul beaucoup d’Internautes, a décidé de ne pas rejoindre l’alliance. Le Monde ne se serait pas encore décidé. Les deux groupes sont les bienvenus dans Gravity, ont assuré ses membres. Le Fig et Le Monde devraient de leur côté annoncer jeudi une alliance dans la publicité mais pas dans les données, selon des sources du secteur.

Le Figaro dit non

Gravity est constituée en société par action simplifiée et est détenue par les 6 groupes au départ du projet. Le capital sera ouvert aux nouveaux entrants. La société n’a pas vocation à être un centre de coûts comme un GIE. Elle devrait faire des bénéfices afin de pouvoir investir dans l’outil. Celui-ci est aujourd’hui piloté par Mediarithmics, qui se présente comme « une plateforme ouverte et intégrée de data marketing ».

Concrètement, un acheteur (annonceur, agence, régie…) d’espaces publicitaires vidéos ou bannières ira sur Gravity faire l’acquisition d’un groupe d’Internautes (une audience) déterminé (par exemple, femme, 40 ans, CSP+, région PACA…). C’est ce que fait un acteur voulant communiquer sur Facebook. Lorsque cette audience passera par un des médias de Gravity, elle verra la campagne de publicité en question. La régie d’un des médias de Gravity peut donc en théorie avoir servi d’intermédiaire à un de ses clients pour trouver une audience déterminée sans avoir vendu un de ses espaces à elle. Cela dit, elle pourra aussi avoir vendu des espaces à un acheteur qui est passé par une régie partenaire. Point important, les médias seront rémunérés pour leur apport de data servant à déterminer les cibles et pas seulement en vendant des espaces. La data est devenue un actif clef des médias qui mérite d’être valorisé lorsqu’il est placé dans un pot commun.

Beaucoup de médias français sont déjà alliés dans Audience Square et La Place Média, mais ces alliances concernent certains de leurs espaces. Gravity va plus loin et consiste en une mise en commun totale des données. « Il n’y a pas d’initiative aussi poussée ailleurs, » dit un architecte de Gravity.

Avec Gravity, les annonceurs pourront utiliser des données d’âge, de sexe, mais aussi de géolocalisation. Ils pourront aussi repérer les consommateurs qui ont « l’intention » d’acheter quelque chose, par exemple parce qu’ils ont visité des sites marchands et comparés tels ou tels produits. C’est ce que propose très facilement un Facebook et avec Facebook a en plus un système de répartition de la pub programmatique qui évite de passer par des intermédiaires et est donc très compétitif. « Nous nous alignerons sur ses prix », dit un cadre data de Gravity.

Bien sûr la puissance de l’outil est conditionné à la possibilité d’utiliser les données recueillies au moyen de cookies. Or un projet de Bruxelles _la directive e-Privacy_ propose aux Internautes de très facilement empêcher les éditeurs de recueillir ces datas. Si ce projet était adopté, répondent les membres de Gravity, ce serait enraciner la domination des Gafas et en particulier de Facebook et d’Amazon. Ceux-ci ne recueillent en effet pas de données par les cookies mais parce qu’on s’inscrit sur leur plate-forme.

Sourced through Scoop.it from: www.lesechos.fr