Le choc est violent. « Du jour au lendemain, on perd la moitié de nos revenus », résume Sébastien Gouspillou, le patron de BBGS Mining. Tous les quatre ans environ – ou plutôt tous les 210.000 blocs -, le compte à rebours est relancé. Le « halving » est au coeur du fonctionnement de la blockchain bitcoin et entraîne mécaniquement une baisse de moitié de la récompense des mineurs pour leur travail de vérification des transactions. Avec ce nouveau halving, les revenus des mineurs de bitcoin vont donc diminuer de moitié, passant de 6,25 bitcoins par bloc miné depuis 2020 à 3,125 désormais.

Dans le même temps, leurs coûts demeurent cependant fixes, voire augmentent. « Le premier poste de dépenses reste l’électricité », rappelle Sébastien Gouspillou. Car miner du bitcoin a un prix : celui des machines d’abord, et celui de l’énergie pour les faire tourner. En effet, pour miner du bitcoin, il faut résoudre des équations cryptographiques particulièrement complexes et les mineurs sont mis en compétition pour y arriver le premier – une course informatique alimentée par des machines spécialement conçues pour le minage et qui sont très gourmandes en électricité.

10 milliards de dollars de pertes par an
Jusqu’à présent, l’augmentation continue des prix du bitcoin a permis de compenser ces coûts d’énergie et a alimenté la croissance du secteur. Depuis que les premières machines spécialisées sont entrées en jeu en 2013, la capitalisation boursière totale de quatorze sociétés minières cotées aux Etats-Unis a atteint environ 20 milliards de dollars, selon un rapport récent de JPMorgan. Mais sur la base du prix actuel du bitcoin, le halving pourrait entraîner des pertes de revenus de quelque 10 milliards de dollars par an pour l’ensemble du secteur.
D’après un rapport de Cantor Fitzgerald, publié en janvier, de nombreux géants du minage, dont Marathon Digital, Riot Platforms et Core Scientific, pourraient voir leur rentabilité s’effriter si les coûts pour produire un seul bitcoin ne sont pas compensés par un prix de l’actif assez élevé. Selon la banque d’investissement américaine, le mineur britannique Argo Blockchain et le floridien Hut 8 sont potentiellement les plus en difficulté après le halving, avec un coût par bitcoin de respectivement 62.276 et 60.360 dollars.
De quoi faire trembler les gros noms de l’industrie sur les marchés. Les actions de Marathon Digital, Riot Platforms et CleanSpark ont enregistré une baisse de 17 % à 25 % sur les trente derniers jours. Et le fonds négocié en Bourse Valkyrie Bitcoin Miners a chuté d’environ 28 % ce mois-ci.
Les mineurs parient de leur côté sur une stimulation de la demande suscitée par les ETF Bitcoin au comptant pour atténuer l’effet négatif du halving. Depuis leur approbation en janvier aux Etats-Unis , la dizaine de portefeuilles approuvée a attiré une entrée nette de plus de 12 milliards de dollars. Cette demande a contribué à porter la plus grande crypto à un niveau record de 73.798 dollars à la mi-mars.
De plus, cet afflux de liquidité couplé aux inquiétudes liées au halving aurait entraîné une « sous performance » des valeurs boursières des grands acteurs du minage. Celles-ci seraient à la traîne par rapport au prix actuel du bitcoin, explique une note du géant de la gestion d’actifs AllianceBernstein. Et comme le rappelle Sébastien Gouspillou, la rentabilité du minage est toujours dépendante du prix du bitcoin, « halving ou pas ».

Consolidation
Les coûts élevés et une réduction des marges favorisent la consolidation du secteur : certaines sociétés minières ont acheté des participations dans des concurrents, et même fusionné, comme Hut 8 et Bitcoin Corp, à la fin de l’année dernière. Surtout qu’avec la flambée du cours du bitcoin, les géants du minage se sont constitué de solides réserves pour affronter le halving et se mettre en position d’avaler des concurrents. Dans son dernier rapport, Hut 8 a indiqué que ses réserves totales s’élevaient à 9.105 bitcoins, soit 550 millions de dollars aux prix actuels.
Un autre poids lourd du secteur, Marathon Digital, a accumulé un trésor de guerre totalisant 1,5 milliard de dollars, selon ses derniers comptes, pour lui permettre de financer d’éventuelles acquisitions afin d’augmenter ses capacités. « Nous sommes en mesure d’examiner les opportunités », a déclaré à l’AFP Adam Swick, directeur de la croissance de Marathon. « Le minage du bitcoin a toujours été la course au dernier survivant », souligne le patron de BBGS Mining.
Cette consolidation inquiète une partie de l’industrie cryptographique en raison de l’impact du retrait des petits mineurs si leur activité n’est plus rentable. Leur départ pourrait affaiblir la sécurité du réseau, le rendant potentiellement plus vulnérable aux attaques, du moins à court terme, jusqu’à ce que les ajustements ne se réalisent mécaniquement.

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