Le 31 août à minuit, le ticket de transport à 9 euros par mois, valable pour tous les réseaux de transports en commun locaux et régionaux du pays1, a disparu de l’offre des distributeurs de tickets allemands, après trois mois d’une expérience unique qui n’a pas fini de faire parler d’elle. Succès ou échec ? Faut-il la poursuivre ? Et si oui, sous quelle forme ? Telles sont les questions qui animent désormais le débat public sur les transports.

Bien que le ministre des Finances ait expliqué qu’un système gratuit ou presque de transports publics n’était pas finançable, le chancelier Olaf Scholz a tout de même jugé que « c’était l’une des meilleures idées que nous ayons eues ».

La réussite a été au rendez-vous sur deux points. D’abord, l’offre d’un ticket pas cher et unique pour toute l’Allemagne a montré qu’il était possible d’attirer rapidement un grand nombre de citoyens vers un moyen de transport écologique. Le ticket à 9 euros a été acheté à 57 millions d’exemplaires. Il a aussi bénéficié à 10 millions d’Allemands détenant déjà un abonnement ferroviaire avant que l’opération ne soit lancée en juin.

Il a ensuite permis de braquer les projecteurs sur la situation difficile des réseaux de transports publics en Allemagne, car l’engouement a entraîné des trains encombrés et des retards. Ces difficultés préexistaient à la quasi-gratuité de cet été, mais l’opération a accéléré la prise de conscience des différences entre les villes et les campagnes en la matière et du volume d’investissements à réaliser pour que le système fonctionne.

Le ticket à 9 euros a à la fois rencontré une large adhésion des usagers, dont 88 % se sont déclarés satisfaits de l’expérience estivale, et déclenché une vaste discussion sur l’état des transports en commun, leur développement, ainsi que leur rôle moteur sur le plan social et écologique.

Pour le reste, le vrai bilan est à venir. Des premiers éléments chiffrés ont été récoltés par Deutsche Bahn et la Fédération des régies de transport (VDV) qui ont, entre autres, interviewé 78 000 usagers. Selon Oliver Wolff, secrétaire général du VDV, l’opération a permis une hausse du trafic de 25 %, le tout en attirant de nouveaux clients :

« Un voyageur sur cinq n’utilisait pratiquement pas auparavant les transports en commun. Et un tiers de nos clients réguliers ont effectué des trajets en dehors de la zone de validité de leur abonnement habituel. »

Moins de CO2, mais à quel prix ?
Autre question majeure autour de l’opération : son effet sur le recul de la voiture. L’actuelle coalition au pouvoir souhaite faire monter la part des transports publics dans le transport des voyageurs à 38 % en 2030. En 2021, était de 6,1 % pour le train et de 4,5 % pour le bus.

Pour 69 % des personnes interrogées par la VDV, la première motivation d’achat a été le prix, et, pour 43 % d’entre elles, la volonté de ne pas se déplacer en voiture. Lors de cette opération, qui a coûté 2,5 milliards d’euros à l’Etat fédéral, le VDV évalue à 10 % les trajets effectués en remplacement d’un trajet en voiture.

Enfin, la quantité de gaz à effet de serre économisée aurait été de 1,8 million de tonnes de CO2. C’est à peu près le même effet que si la vitesse avait été limitée pendant un an à 130 km/h sur les autoroutes allemandes.

Ces chiffres ronflants, provenant d’entreprises pas forcément désintéressées, sont cependant à prendre avec des pincettes. « Interroger et observer le comportement de mobilité n’est pas trivial. Chaque méthodologie a ses faiblesses », tempère Mark Andor, directeur de recherche à l’Institut Leibnitz RWI de recherches économiques(Essen). Analysant lui aussi les données récoltées, il estime par exemple que les économies de CO2 réalisées sont bien moindres, entre 200 000 et 700 000 tonnes.

Le chiffre réel est important, car il permet de juger de la pertinence de la mesure sur le plan écologique. Si l’on admet le chiffre de 1,8 million, la tonne de CO2 évitée grâce à cette mesure aurait coûté presque 1 400 euros d’argent public. A titre de comparaison, la tonne de CO2 vaut actuellement 70 euros sur le marché européen du carbone.

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