Le flou réglementaire entourant Sorare est en passe de s’estomper. La licorne française, qui échappe actuellement à la contraignante réglementation des jeux d’argent grâce à un accord provisoire trouvé avec le régulateur et qui évolue de facto dans une sorte de « zone grise », pourrait bientôt bénéficier d’un cadre beaucoup plus souple pour exercer ses activités. C’est le sens du projet « Jone » (pour « Jeux à objets numériques échangeables »), que prépare le gouvernement.

Missionnée par le ministère de la Transition numérique, l’Inspection générale des finances (IGF) planche sur le sujet depuis plusieurs semaines. Elle a remis son rapport à Bercy, qui doit encore effectuer quelques arbitrages avant de dévoiler un texte rapidement, sans doute sous la forme d’un projet de loi. Malgré tout, ses grandes lignes ont déjà été présentées aux professionnels, notamment les opérateurs de jeux d’argent et de hasard.

Pas d’agrément nécessaire
Concrètement, le gouvernement va proposer la création d’un nouveau régime, proche de celui des jeux d’argent. A quelques différences près : pour les joueurs, le processus d’identification devrait être allégé, tout comme les contraintes liées à la domiciliation des opérateurs de jeux d’argent. Ces derniers n’ont pas le droit d’avoir leur siège social, une filiale ou un équipement quelconque dans un territoire dit « non coopératif » en matière de transparence fiscale. Leur support matériel d’archivage (SMA), sorte de coffre-fort numérique auquel seule l’Autorité nationale des jeux (ANJ) a accès doit en outre rester sur le territoire français.
Pour les éditeurs de « Jone », il ne sera pas nécessaire d’obtenir un agrément auprès de l’ANJ, et une simple déclaration préalable pourrait suffire.
Du côté de la fiscalité, les ventes d’objets numériques devraient bien être soumises à la TVA (20 %) et les éditeurs à l’impôt sur les sociétés. Alors que les opérateurs de jeux d’argent sont soumis à de lourdes taxes sur le produit brut des jeux, cela ne s’appliquerait pas aux éditeurs de « Jone ». Enfin, l’ANJ occupera bien la fonction de régulateur, et devrait disposer de pouvoirs de sanction qui restent à définir.

Accueil contrasté
La filière des jeux d’argent et de hasard a quant à elle été invitée à formuler des propositions aux autorités. Sans surprise, les positions ne sont pas les mêmes en fonction des intérêts de chacun.
La Française des Jeux, qui souhaiterait une réglementation similaire à celle des jeux d’argent, n’y serait pas favorable en l’état. Tout comme les casinotiers, qui réclament de longue date la création d’une offre légale de jeu en ligne, et qui pourraient moyennement goûter l’empressement du gouvernement à résoudre le problème de la licorne française.
Le PMU, qui vient de lancer son projet Stables, un jeu virtuel basé sur des NFT à l’effigie de chevaux de course, verrait en revanche l’initiative d’un bon oeil. Quant aux opérateurs de paris sportifs, certains y sont plutôt défavorables, quand d’autres étudient la possibilité de s’engouffrer dans la brèche.
Dans l’écosystème du Web3, le projet semble être accueilli favorablement. « Alors que plusieurs pays européens préparent la régulation de nos activités, nous nous réjouissons que la France se saisisse du sujet avec un texte que de nombreux acteurs attendent », indique une entreprise concernée.

« Loi Sorare »
L’Autorité nationale des jeux, elle, appelle à la vigilance. « Nous ne sommes pas opposés à un projet de texte sur le Web3, mais le cadre juridique actuel ne doit pas être déstabilisé. Le danger, c’est de faire une « loi Sorare », qui répondrait à la problématique d’une seule entreprise alors qu’il existe plus de 2.000 offres », selon sa présidente Isabelle Falque-Pierrotin.
« Il faudra être attentif à la définition du périmètre. D’un côté, il ne faudrait pas permettre à des acteurs de proposer des jeux d’argent et de hasard sans être soumis aux règles propres à ce secteur très régulé. De l’autre, il s’agit de ne pas « suradministrer » le Web3, qui est finalement très peu concerné par les jeux de hasard ».

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