REVUE. Elles brisent des tabous, réclament leurs droits et portent haut les voix des Africaines : illustration dans deux pays qui accélèrent à leur manière.

Par Sylvie Rantrua Publié le 08/03/2024 

Tout a commencé le 19 janvier. Sur ses comptes Facebook et X, le lanceur d’alertes N’Zui Manto publie le témoignage d’une femme qui dit avoir été giflée et menacée avec une arme à feu par Hervé Bopda, un homme d’affaires bien connu au Cameroun. N’Zui Manto a ouvert la boîte de Pandore. En quelques jours, il reçoit des centaines de messages et relaye plus de 70 témoignages anonymes. Le lanceur d’alerte, qui utilise un nom d’emprunt pour sa sécurité, décrit Hervé Bopda « comme l’un des pires violeurs du Cameroun ». Sur les réseaux sociaux, le #stopBopda devient viral. Dans les stades de foot, à l’occasion de la Coupe d’Afrique des nations, les pancartes #stopBopda fleurissent. Le retentissement est énorme. Devant la puissance de cette vague MeToo, l’ordre des avocats du Cameroun a réclamé, le 25 janvier l’ouverture d’une enquête par le parquet et l’exhorte à traduire l’agresseur présumé « devant les juridictions compétentes afin que justice soit rendue conformément à la loi ».

Au Cameroun, le long combat contre l’impunité
Une lettre ouverte signée par 22 femmes issues de la société civile camerounaise a également été déposée le même jour auprès des autorités, dénonçant « l’inaction ou la lenteur des services gouvernementaux compétents » dans les cas de violences faites aux femmes.
L’affaire devient politique. L’opposant Maurice Kamto appelle le gouvernement à agir. La ministre des Droits des femmes Marie-Thérèse Abena Ondoa, dans un communiqué transmis le 26 janvier « encourage » les victimes présumées à « briser le silence » et « à fournir aux autorités judiciaires les éléments nécessaires à la conduite des procédures destinées à établir la matérialité des faits ».
Les faits se seraient déroulés en majorité dans les villes de Douala et Yaoundé. Les témoignages décrivent un homme violent, menaçant ses victimes avec une arme à feu. Au fil des récits se dessine le portrait d’un prédateur sexuel hors norme ayant sévi pendant deux décennies, et de l’impunité dont il aurait bénéficié. Une centaine de jeunes filles ont dénoncé des viols et agressions sexuelles commis par l’accusé. Certaines ont été enlevées sous la menace d’une arme ou avec l’assistance de ses gardes du corps ou d’autres personnes. La plupart des victimes refusent de quitter l’anonymat par peur des représailles. Un des témoignages lui attribue de fortes influences et des relations à la présidence. Des dénonciations concordantes lèvent le voile sur un vaste réseau de proxénétisme et des ramifications dans l’appareil étatique. Les victimes, pour la plupart, étaient mineures au moment des faits.

À 45 ans, Hervé Bopda homme affaires bien connu au Cameroun apparaissait comme intouchable, en raison de la profondeur de son portefeuille et de son réseau. Fils du richissime homme d’affaires, Emmanuel Bopda Fodoup, décédé en 2020, il fréquentait assidûment le milieu de la jet-set avec tous les attributs du flambeur, cigares, whisky, belles montres et grosses voitures. Il aurait même bénéficié de passe-droits des autorités.
Après un mois garde à vue, Hervé Bopda a été inculpé pour « viol aggravé » et placé en détention provisoire le 29 février et transféré à la prison de New Bell, selon son avocat, Roland Ojong-Ashu. Selon les indications de ce dernier, « douze personnes ont porté plainte ».

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