Permettre un paiement entre deux pays, même très éloignés, immédiatement et quels que soient le jour ou le fuseau horaire. Tel est le défi que se sont lancé sept grandes banques centrales dont la Banque de France – très en avance sur l’expérimentation de monnaies numériques entre établissements financiers, et qui représente l’Eurosystème -, la Réserve fédérale de New York, la Banque de Corée, ou la Banque d’Angleterre, sous l’égide la Banque des règlements internationaux (BRI). Ce projet est baptisé « Agora », du nom de « la place de marché en Grèce antique, le lieu où les citoyens se réunissaient pour prendre des décisions », explique Cecilia Skingsley, responsable du centre d’innovation de la BRI.

C’est cette division de la BRI, la « banque centrale des banques centrales », qui est à la manoeuvre. L’idée est d’utiliser la blockchain pour accélérer et faciliter les paiements transfrontaliers. A l’heure actuelle, lorsqu’un consommateur ou une entreprise réalise un paiement international, sa banque commerciale envoie un message à la banque commerciale du bénéficiaire. Puis l’opération fait l’objet d’un règlement entre les banques centrales des deux pays, qui, pour l’une, débite le compte de la banque du payeur et, pour l’autre, crédite le compte de la banque du bénéficiaire. Ces échanges se font au travers de la BRI.

Monnaie numérique de banque centrale
Mais dans les faits, l’exercice n’est pas si simple. « Aujourd’hui, les transactions peuvent passer par des banques intermédiaires et être soumises à des fuseaux horaires, des heures d’ouverture, des contraintes juridiques et réglementaires très différentes, créant des retards et des obstacles », souligne Hyun Song Shin, conseiller économique et directeur de recherche à la BRI.
L’idée du projet Agora est de conserver ce système à deux étages, mais d’utiliser la blockchain pour effectuer en une seule opération sécurisée à la fois l’envoi du message entre les banques commerciales et le règlement entre les banques centrales. Il faut donc mettre en place un registre électronique unifié (l’« unified ledger ») et un système informatique qui permette d’utiliser une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) (par exemple le futureuro numérique) offrant le niveau le plus élevé de sécurité pour les transactions, et de numériser les dépôts des banques commerciales (la « tokenisation »).

Transactions quasi directes
Cette facilitation rendrait possible des paiements quasiment directs entre deux banques commerciales dans des pays différents. Surtout pour les opérations mettant en oeuvre d’autres devises que l’euro, le dollar ou la livre et qui ont été parfois délaissées par les banques plus petites. L’autre avantage de la blockchain est qu’elle permet l’utilisation de « smart contracts », des contrats électroniques qui s’exécutent automatiquement lorsque certaines conditions sont remplies. Selon la BRI, y recourir allégerait le travail souvent fastidieux et répétitif de vérification de l’identité des clients et l’examen des règles de lutte anti-blanchiment.

La BRI publiera dans les prochaines semaines les critères d’éligibilité pour les acteurs financiers privés qui voudraient participer à l’expérience. Le but est de disposer d’un échantillon suffisamment large et représentatif pour ce test en grandeur nature.

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