Depuis un an qu’ils y travaillent, les experts de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) ont bien essayé. Mais cela s’est avéré impossible : le coût de l’adaptation de la France au réchauffement climatique ne peut pas encore se résumer en un chiffre clé.

Le rapport Pisani-Mahfouz avait, lui, chiffré les besoins d’investissements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (environ 70 milliards d’euros supplémentaires par an). Il s’agit maintenant d’estimer le coût de l’adaptation des bâtiments, des infrastructures de transport ou encore de l’agriculture, aux effets du changement climatique déjà inéluctable, alors que les vagues de chaleur ou les inondations vont se multiplier.

Etudes de vulnérabilité
« Il est compliqué de sortir un chiffre unique, d’abord parce qu’on appréhende encore mal le niveau de risque : la proposition du gouvernement de travailler sur une trajectoire à +4 °C à horizon 2100 est encore récente, et on n’a pas encore tous les résultats des études de vulnérabilité », explique Vivian Dépoues, l’un des auteurs de l’étude d’I4CE, remise ce vendredi matin à Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique.

« Par ailleurs le coût de l’adaptation dépendra aussi de décisions politiques : dans de nombreux cas il faudra choisir quel degré de risque on est prêt à accepter », poursuit le chercheur. Par exemple, faut-il rendre une route insubmersible ou plutôt organiser des fermetures temporaires en cas d’inondations ? En fonction de la réponse, le coût variera du tout au tout.
Les travaux menés par les chercheurs d’I4CE leur permettent toutefois d’avancer de premiers ordres de grandeur. Dans le bâtiment , où il s’agit essentiellement de résister aux vagues de chaleur (grâce à de la ventilation ou des stores), il faudra ainsi dépenser entre 1 et 2,5 milliards par an supplémentaires dans le neuf, et plusieurs milliards dans le parc existant, par rapport aux investissements déjà nécessaires dans la rénovation énergétique – qui ne sont toutefois pas atteints à ce jour.

Options peu coûteuses disponibles
Dans les infrastructures de transport, les estimations sont comprises entre quelques centaines de millions et plusieurs milliards par an, selon le risque accepté. « Il faudra décider route par route, pont par pont », explique le chercheur.

Enfin dans l’agriculture, le coût des mesures nécessaires pour maintenir les rendements des cultures actuelles (ombrage, pilotage des plantations, irrigation) est estimé à environ 1,5 milliard d’euros par an. Mais il n’a pas été possible de chiffrer les transformations plus structurelles des modèles agricoles, qui nécessiteront notamment la mise en place de nouvelles filières.
« Même si les besoins se chiffrent en milliards, nous ne sommes pas en face d’un nouveau mur d’investissements », souligne Vivian Dépoues. En outre, insiste l’étude, l’adaptation sera moins chère si elle est bien anticipée.
« Aujourd’hui le réchauffement climatique n’est quasiment pas intégré dans les décisions, alors que des options peu coûteuses sont souvent disponibles : par exemple, prévoir dès leur conception que les nouveaux immeubles soient traversants pour faire circuler l’air, que leur hauteur sous plafond soit suffisante pour des ventilateurs, qu’ils intègrent des brise-soleil, etc. », énumère le chercheur.

Indemnisations en hausse
Surtout, il apparaît clairement que le plus souvent, il sera plus coûteux pour les finances publiques de réagir aux conséquences du réchauffement que d’anticiper. « En cas de catastrophe, les pertes sont souvent prises en charge par la puissance publique », relève Vivian Dépoues.
I4CE rappelle ainsi qu’Emmanuel Macron a décidé de débloquer plusieurs centaines de millions d’euros après la tempête Alex, et que plus de 400 millions sont dépensés chaque année pour indemniser les agriculteurs pour les aléas climatiques. Le rapport Langreney remis cette semaine au gouvernement a montré que le coût des catastrophes climatiques pourrait représenter des besoins d’indemnisation additionnels de 70 milliards d’euros sur les trente prochaines années.
Le ministère de la Transition écologique doit présenter la stratégie du gouvernement en matière d’adaptation « dans les prochaines semaines », a indiqué son cabinet après la remise du rapport.

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