Le phénomène surprend à première vue. Alors que les prix des produits de grande consommation ont enregistré une hausse de 20 % sur deux ans, les enseignes qui ont la réputation d’être les moins chères n’ont pas progressé.

La part de marché de celles qui ne veulent plus être appelées « hard discounters » et que les panélistes rangent dans la catégorie des « enseignes à dominante marques propres » n’a pas progressé l’an passé en France. Lidl, Aldi et consorts, qui vendent à 80 % des produits à leurs marques, stagnent au niveau des 13,2 % selon l’institut Circana.

Coût de la matière première
Mi-mars 2024, Kantar pointait, de son côté, Aldi à 2,8 % de part de marché, en baisse de 0,1 point, Lidl à 7,7 %, avec la même érosion, et Netto, le réseau du groupement des Mousquetaires, stable à 0,8 %.
Emily Mayer, analyste en chef chez Circana, avance l’hypothèse que les clients des discounters, déjà à la recherche des prix les plus bas avant la crise inflationniste, se sont plus serré la ceinture que la moyenne des clients des grandes surfaces alimentaires. La plupart des observateurs mettent en avant une autre raison.

Les prix ont progressé davantage en 2023 chez les discounters :  +14 % contre +10 % dans les autres magasins. Par construction, les marques de distributeur n’intègrent pas dans leurs prix les frais de marketing des marques nationales. Pas besoin de leur faire de la publicité puisqu’elles ne sont vendues que dans l’enseigne qui les fait fabriquer. Le tarif d’un produit Lidl se construit sur les coûts des matières premières et de la fabrication, ceux qui ont explosé avec la guerre en Ukraine.

Moins d’ouvertures
Autre explication encore : les enseignes généralistes ont mis le paquet sur leurs gammes premiers prix, comme Eco + chez Leclerc, qui se sont retrouvées moins chères que les marques des discounters.
Circana met aussi en avant le fait que Lidl et Aldi ont ouvert moins de magasins. Le serpent se mord la queue. Chez Lidl, on confirme avoir mis la pédale douce sur l’expansion. L’enseigne tenait un rythme de 30 à 40 ouvertures par an, qui est retombé à une dizaine en 2023.

« Nous avons dû investir dans les prix, donc nous avons coupé dans nos dépenses d’investissement, les ouvertures mais aussi la publicité », explique une porte-parole. Lidl était devenu le premier annonceur à la télévision devant Renault.
Après avoir été contraint de monter ses prix fin 2022 et début 2023, le « soft discounter » allemand a entrepris de les rabaisser sur 1.000 produits (dans un assortiment de 2.500 références en moyenne) mi-2023. La réaction de Lidl montre à la fois les causes des difficultés des derniers mois et les portes de sortie de crise.
Pour contrer Leclerc et son Eco +, Lidl a lancé pour la première fois de son histoire une gamme de produits premiers prix reconnaissables à leur emballage minimaliste. La contre-offensive commence à payer.
Gaëlle Le Floch, analyste en chef chez Kantar, pointe que dans le dernier relevé mensuel des parts de marché, publié le 3 avril, Lidl est reparti de l’avant avec un gain de 0,2 point. « Cette reprise s’explique par l’amélioration du niveau de fidélité dynamisée par la fréquence d’achat », commente-t-elle. Dans le même temps, Leclerc a encore gagné un point… Le combat est âpre.

Clientèle modeste
Du côté d’Aldi, le sur-place de la part de marché surprend d’autant plus que le groupe allemand a racheté plus de 500 magasins Leader Price fin 2020 et couvre désormais l’ensemble du territoire avec plus de 1.300 points de vente.
« L’inflation des matières premières a eu un impact plus important sur les marques de distributeur que sur les marques classiques », confirme un porte-parole. « La clientèle d’Aldi est modeste et elle est la première à souffrir de l’inflation, ce qui l’amène à déconsommer davantage », ajoute-t-il, recoupant l’analyse de Circana.
Aldi ne se décourage pas et projette une centaine de nouvelles ouvertures. A l’ombre des frères ennemis allemands Lidl et Aldi, le petit français Netto, enseigne soeur d’Intermarché, a vu son chiffre d’affaires grimper de 16 % en 2023. Il mise sur une offre plus large que celle des discounters allemands avec 4.000 références et des tarifs de ses marques propres tirés vers le bas par les 56 usines du groupement des Mousquetaires.

Le réseau Netto a poursuivi son expansion avec 65 nouveaux points de vente l’an passé et un objectif de 550 unités en 2027 (contre 330 en 2023). Lidl va aussi reprendre son rythme habituel d’expansion. Les discounters ont perdu la bataille de l’inflation mais n’ont pas encore perdu la guerre des prix.

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