Le pacte avec Google sauve la mise de Carrefour mais fait entrer le groupe sous la dépendance de la plus grande plateforme numérique américaine. Cette association soulève en effet plusieurs questions sur les concessions acceptées par l’enseigne de distribution. Ainsi, les transactions se faisant dans l’environnement de Google, ce n’est pas le distributeur qui facturera les acheteurs. Par ailleurs, selon le journal Le Monde, l’accord « semble prévoir une rémunération de l’intermédiaire, par exemple par un pourcentage des achats payés, même si Google refuse de s’exprimer sur le montant et la nature du partage de la valeur. »
 
De plus, la mainmise de Google sur l’organisation informatique des transactions implique que celui-ci aura accès à toutes les données des clients ainsi qu’à leurs habitudes d’achat. Certes, contrairement à Monoprix qui a accepté que les commandes soient livrées par Amazon, Carrefour reste encore maître de toute la logistique de livraison. Jusqu’à quand ?
 
Enfin, Carrefour accepte de miser toute son infrastructure informatique, y compris bureautique, sur les solutions de Google et Google Cloud. Une dépendance majeure qui se traduit par la formation de tous ses collaborateurs aux produits Google. Un réel danger car Google aura accès à tous les arcanes de la gestion de Carrefour. Petits secrets et grandes stratégies seront mis au pot commun avec un acteur qui ne cache pas, comme Amazon, ses ambitions de maîtriser l’ensemble du commerce mondial. Ces géants du numérique ont non seulement un appétit féroce, mais ils ont aussi largement les moyens de le combler. En 2017, Amazon a ainsi déboursé sans broncher  la somme colossale de 14 milliards de dollars pour acquérir le distributeur bio Whole Foods. 14 milliards de dollars, c’est l’équivalent de la capitalisation boursière de Carrefour, et deux fois plus que celle de Casino !
 
Un risque aussi de dépendance aux choix techniques et stratégiques de Google, et de lui seul, sans aucune alternative envisageable. Les expériences récentes ont montré comment les GAFA pouvaient modifier à leur guise les règles du jeu en fonction de leurs intérêts et impacter des pans entiers de l’économie. Les professionnels de la publicité en savent quelque chose. Leur pérennité est menacée par des changements récents et brutaux dans les pratiques de Google à l’égard des éditeurs européens. L’ensemble du secteur de la publicité numérique qui ne peut exercer son activité sans les services de Google s’en trouve fortement impactée. Seul gagnant ? Google qui occupe déjà plus de 80 % du marché de la publicité digitale.
 
Malgré ces risques, Carrefour, tout comme les autres distributeurs, ont-ils le choix ? Quelle alternative à ces alliances faustiennes avec des géants devenus incontournables ? Malgré les polémiques sur la fiscalité des GAFA, sur leurs pratiques à l’égard de nos données personnelles, sur leur puissance démesurée qui dépasse parfois celle des États, l’équivalent d’un Google européen n’existe pas. Pour qu’un groupe français comme Carrefour puisse se développer et continuer de rayonner à l’international, il n’a qu’un choix possible : s’allier avec un géant américain. Pour le meilleur comme pour le pire.

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