Maximisation de la production

Conscient que l’agriculture française a perdu du terrain ces dernières années et que les importations ont progressé de manière importante sur certains segments – l’élevage et le maraîchage, par exemple -, le gouvernement est en mode reconquête. Pour les syndicats agricoles qui ont en grande partie inspiré la loi – le gouvernement ne s’en cache pas puisqu’il revendique d’avoir « été à l’écoute du terrain » -, cette souveraineté s’entend comme une maximisation de la production agricole, destinée à la fois à la consommation interne et aux exportations. Une vision qui a sous-tendu de manière constante le développement d’une agriculture productiviste pendant toute la seconde moitié du XXe siècle.
« Dans cette définition, il n’est pas question de sécurité alimentaire ou d’autonomie de l’agriculture française, comme cela s’entend habituellement avec le terme de ‘souveraineté’ », analyse Aurélie Catallo, chercheuse à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et spécialiste des questions agricoles. Pour elle, cette expression « ne traite pas les vrais enjeux, comme notre dépendance aux engrais, par exemple. C’est une définition éminemment politique ».

Décision du juge
Au ministère de l’Agriculture, on insiste surtout sur le fait que « l’écrire dans la loi, c’est en faire un élément structurant des politiques publiques ». A priori, nul ne saurait s’en plaindre, de même que le fait de déclarer l’agriculture « d’intérêt général majeur ». « C’est une façon de reprioriser les enjeux agricoles et ça peut venir en appui d’une décision du juge administratif. A long terme, cela peut être significatif », détaille le cabinet du ministre de l’Agriculture.
Sous ses airs très consensuels, cette expression fait craindre à certains que des décisions de justice ne viennent sous-estimer les impacts environnementaux de certains projets agricoles, comme l’extension d’un bâtiment d’élevage par exemple, jugés prioritaires sur une éventuelle pollution des eaux au regard de la souveraineté alimentaire.

Une crainte balayée par l’avocat Arnaud Gossement, spécialiste du droit de l’environnement : « on est dans le symbolique, c’est un message purement politique qui n’aura pas d’autres conséquences que de frustrer un peu plus le monde agricole. Ce qui est le plus visé, c’est la dérogation pour espèce protégée. Cette dérogation est difficile à obtenir, si vous dites que c’est d’intérêt général majeur, ça peut accélérer ». Par ailleurs, fait remarquer le juriste, l’environnement a une place de choix dans notre hiérarchie des normes : la Charte de l’environnement a valeur constitutionnelle depuis qu’elle a été intégrée au bloc de constitutionnalité.

Pas de logique punitive
Avec ce projet de loi, le gouvernement a surtout voulu montrer qu’il était un « facilitateur » : « il s’agit d’accompagner, d’expliquer, mais pas d’être dans une logique punitive », insiste le cabinet de Marc Fesneau. D’où la révision du régime de sanctions pour certaines atteintes à l’environnement (dégradation d’un habitat naturel, par exemple), qui passera du pénal à l’administratif. D’où aussi la volonté d’accélérer les procédures de recours avec une « présomption d’urgence » en cas de contentieux autour de la construction d’une réserve d’eau, par exemple.
Là encore, les avis divergent : contournement du juge pour certains, pur effet d’annonces pour d’autres. « On peut toujours écrire dans la loi que tout doit être réglé dans dix mois ou un an, si vous n’avez pas de greffier et pas de personnel dans les tribunaux, ça n’avancera pas plus vite », regrette Arnaud Gossement, qui parle d’expérience.

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