L’enjeu n’est pas seulement d’assurer la croissance ou de primer dans les classements mondiaux : à défaut de dominer technologiquement, les Etats-Unis verraient le modèle autoritaire chinois imposer progressivement ses règles, estiment les auteurs. « A la fin de cette décennie, nous saurons si nous vivrons dans un monde façonné par la libre expression, la tolérance et l’autodétermination ou dicté par la censure et la coercition », écrit Eric Schmidt. D’autant que « de nombreux pays ne font guère de distinction entre un ordre mondial dirigé par les Etats-Unis ou par la République populaire de Chine. »

Et le bilan n’est guère flatteur. Selon les rapporteurs, la Chine fait déjà la course en tête « dans la 5G, les drones commerciaux, les armes hypersoniques offensives et la production de batteries au lithium », tandis que les Etats-Unis conservent une avance « modeste » dans « les biotechnologies, l’informatique quantique, les technologies spatiales commerciales et le cloud ». Dans le domaine de l’intelligence artificielle, les Etats-Unis ont aussi une petite avance​, « mais la Chine rattrape rapidement son retard ».

Perte d’influence
La perte d’influence américaine a des causes multiples. L’écosystème tech a évolué « dans une relative indifférence aux implications stratégiques » de ses projets, reconnaît le rapport. Et si la quête de marges élevées et de fournisseurs bon marché à l’étranger était « judicieuse » pour les entreprises et les investisseurs, elle a « dévasté le paysage industriel » national.

Du côté de la puissance publique, « l’absence de priorités technologiques nationales et la baisse de la part de la R&D financée par le gouvernement ont laissé les priorités commerciales guider l’agenda technologique ».

Le tout sur fond d’une « géométrie changeante de l’écosystème de l’innovation » : « l’essor du capital-risque [« venture capital », NDLR] a remodelé le triangle de l’innovation de Vannevar Bush [ingénieur américain qui fut conseiller scientifique de Roosevelt] entre le gouvernement, l’industrie et l’université, réduisant ainsi l’influence du gouvernement », pointe le rapport.

Première étape
A défaut d’avoir souligné les fragilités du modèle américain, Donald Trump avait déjà lancé la confrontation avec la Chine , jugeant les règles du jeu (transfert de technologie, propriété intellectuelle…) bafouées par Pékin. Sa politique était toutefois surtout défensive, des droits de douane aux contrôles renforcés sur les investissements étrangers en passant par la mise au ban de Huawei. Une politique qui n’a pas été remise en question par Joe Biden, mais dont le volet offensif, parasité par le clivage politique entre démocrates et républicains, peine à se matérialiser au Congrès.

L’adoption en août du Chips Act , qui financera la production de semi-conducteurs et de la R&D aux Etats-Unis, est une première étape. Mais « nous ne pouvons pas continuer à miser sur un rattrapage, comme nous l’avons fait sur la 5G et les chaînes d’approvisionnement en microélectronique », estime Ylli Bajraktari, qui dirige le projet SCSP. « Même avec une mise en oeuvre rapide » du Chips Act, la reconquête du leadership manufacturier et la mise à niveau de la main-d’oeuvre « nécessiteront davantage d’actions politiques et une plus grande coordination entre les secteurs public et privé », insiste le rapport, qui appelle aussi à revitaliser les partenariats dans la défense.

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr